Depuis ses 14 ans, Albane Berthou va mieux. Elle ne pourra jamais se défaire de sa maladie, la TDAH. Mais grâce à sa chienne Akane, elle reprend peu à peu le contrôle de ses émotions et progresse vers une vie qu’elle aimerait un jour normale. Aujourd’hui, elle espère surtout faire bouger les lignes à propos d’une maladie méconnue…
- Albane Berthou réclame la reconnaissance. Pas la sienne. Celle de sa maladie. La très mystérieuse TDAH (« le mot est très mal choisi », reconnaît Albane), ou plus explicitement « Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité ». La jeune femme de 21 ans corrige d’emblée cette définition. « Il y a toujours une hyperactivité. Elle est soit visible, soit invisible. Elle peut être motrice et cérébrale, ou seulement cérébrale. »
- À 6 ans, Albane Berthou sait qu’elle est atteinte de ce mal qui est « très proche de l’autisme », mais encore trop méconnu. « J’ai même eu un pré-diagnostic avant. À l’âge de 2 ans, je marchais déjà, je me suis mise à parler très tôt. Mais je m’amusais à renverser des choses, des objets. Ma maman a vu qu’il y avait un souci. Je n’arrivais pas à écrire. Les autres enfants parvenaient à faire des choses que je ne pouvais faire. » Elle passe rapidement un électro-encéphalogramme et un test de QI. Elle débute son suivi spécialisé et son traitement. - Concrètement, les personnes atteintes du TDAH éprouvent « les mêmes symptômes que l’autiste », à la différence que ce dernier sera « tourné vers lui-même », alors qu’un TDAH « sera orienté vers les autres ». Il est coutume de mettre tout le monde dans le même panier. « Cela ne devrait pas être le cas ».
Une hyper activité cérébrale et une hyper sensibilité aux autres - Jeune, très jeune, Albane a commencé à rencontrer des « difficultés attentionnelles en lien avec une hypersensibilité sensorielle ». Son cerveau gère les « stimulis et les pensées avec la même importance ». Si bien que jamais elle ne peut décrocher. « Les moments où l’on ne pense pas sont extrêmement rares. Cela ne m’est arrivé qu’une fois dans la vie. Un bref instant grâce à un traitement. » Elle a conscience de son « hyper activité cérébrale » et de la fatigue que cela engendre. Elle supporte difficilement les conversations qui s’étirent, la lecture au-delà de quelques minutes. Elle souffre devant les « néons, la lumière qui est trop forte ». De quoi la mettre sous tension en permanence. - Socialement, sa jeunesse fut « chaotique » selon ses propres mots. Elle a vécu une enfance « compliquée », « sans amis. J’étais harcelée, car trop directe avec les gens, puisque je n’ai aucun filtre ». Cela provient d’une hypersensibilité aux autres, contrairement « aux gens qui sont dans le déni par rapport à leur propre ressenti, car ils ont appris à gérer cette hypersensibilité ». En réalité, Albane est une « super-humaine », plaisante-t-elle, qui découvre encore et toujours l’humour. « Les codes sociaux sont très compliqués. C’est comme si vous devez entrer tous les algorithmes de toutes les situations possibles dans la vie. Le second degré m’était inconnu à 19 ans. J’avais l’impression de me faire insulter à chaque blague. Du coup, j’ai dû me mettre dans l’extrême inverse en étant constamment dans l’autodérision. » Elle apprend, encore et toujours. « Mon cerveau ne va pas au rythme que je souhaite », avoue-t-elle.
Akane a bouleversé sa vie - Il y a six ans, cependant, sa vie bascule. Sa mère, devenue éducatrice canin, voit une portée de chiots naître sous ses yeux. En septembre 2013, Akane naît. Cet Akita Inu marche le mois d’après, et n’a plus jamais quitté Albane. « Les Akita choisissent leur maître. Elle s’asseyait toujours près de moi. Elle venait constamment me voir. Elle m’a choisi. » - Depuis, Albane a vu ses symptômes diminuer, et ses crises disparaître, c’est-à-dire « des moments où je débordais d’énergie, où j’étais heureuse, et d’autres où je pouvais me montrer violente envers moi-même et envers des objets ». Elle assure ne plus les connaître depuis l’irruption d’Akane dans sa vie.« Elle calme même mes crises de spasmophilie », ajoute-t-elle. Elle acquiesce quand on associe Akane à un ange-gardien. « Un jour, j’ai failli me faire écraser et elle m’a sauvé. Un autre, j’ai pris une trop forte dose de médicaments et elle m’a gardée éveillée. Elle me prévient quand ma tension est trop basse. » Des anecdotes, elle n’en manque pas du haut de ses 21 ans. - Un toutou est-il donc le seul remède miracle à sa maladie qui touche de nombreuses autres personnes ? « Chacun doit trouver ce qui lui va le mieux. Un chien, je pense que c’est top. Il nous sauve la vie, nous rappelle notre traitement », expose-t-elle. Et de poursuivre : « Je voisd’énormes progrès chez d’autres enfants lorsque j’interviens avec mon chien auprès d’eux. Un chien favorise la responsabilisation de soi, des autres, de l’animal, de la compréhension de ses émotions, il augmente l’estime de soi. » Il ne fait aucun doute que pour Albane, « on devrait faciliter l’accès aux chiens d’assistance pour les personnes TDAH ». Elle déplore le fait que le taux, requis, de 80%, ne soit pas accordé par les maisons départementales des personnes handicapées.
La reconnaissance, son combat de tous les instants - Aujourd’hui, Albane vit, avec Akane, tant bien que mal chez ses grands-parents. « Je rêve de vivre comme tout le monde. Je rêve d’un appartement, de choisir mon mode de vie, d’être autonome. Je devrais être dans une fac, dans un Crous, mais je ne peux même pas. Les demandes de bourses mettent trop de temps, et la fac n’est pas adaptée. » Elle n’a d’ailleurs pas obtenu sa première année de philosophie, et a intégré une Licence 1 en psychologie. - Albane est également confrontée à un paradoxe sociétal. Elle n’a plus de travail, après que son contrat dans l’éducation nationale n’ait pas été renouvelé… à cause de ses soucis de santé. Mais pour la sécurité sociale, « je peux marcher, je peux faire des choses, je ne suis donc pas malade. Pour eux, la maladie s’estompe à l’âge adulte. Depuis mes 16 ans, je ne dispose d’aucune aide. J’ai dû arrêter mon suivi par des spécialistes, car les consultations n’étaient plus remboursées… C’est comme demander à un unijambiste de courir un marathon sans prothèse. » - Son combat, c’est de « faire changer les regards » sur ce qu’elle endure. « Je veux que ça change de mon vivant. Que mes enfants aient une meilleure vie. Que les parents gardent espoirs. Mais pas dans 20 ans. Le changement doit commencer aujourd’hui. »
Du bénévolat actif, en attendant la concrétisation de son projet - Albane prend son mal en patience. Elle a intégré depuis, toujours avec Akane, l’association TDAH – Partout Pareil*. Une structure qui effectue des collectes de dons, organise des conférences, intervient dans les établissements scolaires, oriente les personnes vers des structures et services adaptés, constitue le dossier MDPH, participe aux réunions pédagogiques (ESS) et apporte son soutien aux familles. Elle aimerait qu’un poste de conseiller physique voie le jour, afin de pouvoir dialoguer en direct avec les malades, ou les familles. « J’aimerais aider les autres, encore plus, mais je manque d’argent. Je n’ai même pas les moyens de m’acheter des lunettes », déplore-t-elle. - Elle espère que le futur lui offrira l’opportunité de mettre en place son projet. Son rêve. « Une structure regroupant tous les profils cognitifs. Que ce soit des déficients, des dyslexiques, des TDAH, des autistes, des normaux. J’aimerais qu’il y ait de la neurodiversité dans les écoles, afin que la société soit à l’image de ce qu’elle est. On est tous différents. Mais ce n’est pas parce que nous sommes tous différents que nous devons être placés dans des écoles différentes. L’école doit s’adapter à nous, et pas l’inverse. » - Elle affiche sa « niaque », son « ambition » et sa « volonté » de faire bouger les choses. Mais pas seule, non. Avec son fidèleAkaneà ses côtés. Pour l’aider à s’épanouir toujours plus, et à dompter une maladie à prendre davantage en considération.
*TDAH Partout Pareil – Tel au 07-69-44-02-32, mail : info@tdah-partout-pareil.info.