Contamination au plomb par les munitions des chasseurs
Les munitions au plomb des chasseurs sont la cause d’une importante pollution de l’environnement et d’un empoisonnement de la faune dangereux pour les êtres humains. Illustration source : lasantepublique
L’ECHA s’intéresse aux munitions au plomb L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié un rapport d’expertise concernant les munitions. Il s’agit des munitions dont les chasseurs se servent pour abattre les animaux et que les tireurs sportifs utilisent également dans leur activité. Et ce rapport apporte des conclusions inattendues. En effet, les munitions à base de plomb sont la cause d’une contamination de la nature dangereuse pour la santé humaine et celle des animaux.
En 2016, l’ECHA, suite à une demande de la Commission européenne, avait déjà étudié le problème et préconisé l’arrêt de l’utilisation des munitions au plomb dans les zones naturelles humides qui sont particulièrement fragiles. Aujourd’hui, l’Agence européenne des produits chimiques va plus loin en alertant sur la pollution au plomb et les problèmes de santé qu’elle entraîne.
30 à 40 000 tonnes de plomb déversées dans la nature tous les ans L’agence se base sur différents chiffres pour arriver à cette conclusion. Ainsi, tous les ans, entre 30 000 et 40 000 tonnes de plomb sont utilisées, en Europe, dans les munitions. Dans le détail, selon l’ECHA : « 21 000 tonnes sont utilisées par les chasseurs, dont un maximum de 7 000 tonnes dans les zones humides et de 14 000 tonnes sur la terre ferme ». À cela s’ajoute les sportifs pratiquant le tir qui utilisent 10 000 à 20 000 tonnes de plomb, chaque année. Et la France est particulièrement concernée par le problème puisqu’un quart des chasseurs, en Europe, sont Français. Côté pollution, les dégâts sont considérables puisque entre 1 et 2 millions d’oiseaux meurent d’intoxication au plomb, chaque année. Côté santé pour les êtres humains, on parle tout autant des risques induits par la poussière de plomb sur les champs de tir que par la contamination lorsque les chasseurs consomment le produit de leur chasse. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) préconise, d’ailleurs, de ne pas manger de gibier plus de trois fois par an.
L'affaire commence, il y a près de 25 ans, lorsque l'AEWA (Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique et d'Eurasie) alerte sur l'impact des plombs de chasse déversés dans les zones humides. A l'époque, toutes les études montrent que le saturnisme fait des ravages dans la faune et qu'il est urgent de changer de munitions.
Les acteurs concernés s'accordent alors 10 ans pour mettre un terme aux mauvaises habitudes avec l'interdiction du plomb prévue avant l'an 2000. Beaucoup de pays mettent en application cette décision, tandis que la France fait la sourde oreille. Il faudra que quelques parlementaires et des associations de protection de la nature multiplient les pressions pour que le ministère de l'écologie accepte enfin la conformité en interdisant le plomb en zone humide à partir de … 2005 !
Un risque de contamination au plomb L'histoire aurait pu s'en tenir là si les chasseurs et les organisateurs de ball-traps avaient fait l'effort d'étendre la mesure à l'ensemble du territoire. Il n'en fut rien. Aujourd'hui, c'est l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) qui tire la sonnette d'alarme. Elle vient de recommander de limiter la consommation de grand gibier (biche, chevreuil, sanglier) à « une fréquence occasionnelle, de l'ordre de trois fois par an » en raison d'un risque de contamination avec le plomb.
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" Les sols, déjà affectés par une agriculture chimique mortifère, n'ont guère besoin de plomb en supplément du cocktail"
Or, ce dernier peut entraîner des troubles du développement cérébral chez l'enfant et des problèmes rénaux et cardio-vasculaires chez l'adulte. L'agence pointe notamment : « des micro-fragments de munition, le plus souvent invisibles à l'oeil nu ». Les sols, déjà affectés par une agriculture chimique mortifère, n'ont guère besoin de plomb en supplément du cocktail. Pourtant, ce sont quelques 6 000 tonnes par an qui vont empoisonner les terres (sans parler des plastiques issus des cartouches...). Lucides des graves conséquences de l'usage du plomb, de nombreux pays en ont déjà interdit l'usage.
C'est ainsi que la Finlande, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et d'autres ainsi que les Etats-Unis (en 1991) ont modifié leurs munitions pour effacer le plomb. Sachant que 250 millions de cartouches sont tirées chaque année, il serait peut-être temps de se mettre au diapason.
Sollicité lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron s'est engagé à interdire l'usage du plomb. Sa ministre de la santé a été avisée de l’urgence d'une décision, il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter : le plomb ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir...