LES ACTUALITES DU LOUP
Jeudi 11 Avril 2019
Comment la population de loups est recensée…
c’est assez surprenant! (3/3)
Lors du dernier bilan estival, 72 meutes de loups ont été recensées en France. G.A. - Source : varmatin.com Des analyses génétiques pointues, un chien spécialement dressé pour renifler les crottes de "canis lupus", et un cône de chantier pour simuler les hurlements… L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a recours à des techniques bien particulières pour suivre la population de loups et estimer le nombre de meutes.
Reportage dans les Maures où le prédateur est en train d'étendre son territoire...
Deux attaques sur le même troupeau en moins de deux semaines, une dizaine de bêtes tuées ou blessées, une bergère complètement effondrée et un loup abattu aux abords de la ville par une patrouille de gendarmes… L’apparition du prédateur sur la commune de Bormes-les-Mimosas suscite beaucoup d’émotion depuis quelques mois.
Jacques Cornier et Francis Giorgi sont convaincus qu’une "vraie meute" sévit dans les Maures. Le premier est président de la Société de chasse du Lavandou ; le second, président de celle de Bormes. Autant dire qu’ils connaissent le coin. "C’est devenu de plus en plus fréquent de voir un loup pendant les battues aux sangliers", assure Francis Giorgi.
En quelques décennies passées au Lavandou, Jacques Cornier n’avait jamais croisé la bête. Jusqu’à l’an dernier. "Trois fois, appuie-t-il, je l’ai vu". La dernière en date remonte à quelques jours. "J’étais en voiture sur la route des Crêtes et je vois un petit chevreuil qui traverse, raconte-t-il. Je m’attendais alors à voir passer la mère… Et là, c’est un loup qui surgit et part dans la même direction que le chevrillard."
Les deux experts de la forêt n’ont pas attendu de tomber nez à nez avec le "super prédateur" pour crier au loup. "C’est bien à cause de lui qu’il n’y a plus de chevreuils ni de sangliers", constatent-ils, sûrs de leurs propos.
Jacques Cornier, président des chasseurs du Lavandou, a croisé le loup à trois reprises.
La dernière fois il y a une semaine, ici, sur la route des Crêtes. G.A.- Source : varmatin.com
Espèce protégée
La preuve ? "Tenez, voici une image prise par les caméras fixes de l’aéroport de La Môle ce mardi." C’est bel et bien un loup, en effet. Le même jour, il aurait également été "observé à Cogolin et à Grimaud". De quoi accréditer la thèse d’une "meute déjà bien installée" selon les chasseurs.
Ce n’est pourtant pas si simple. En France, c’est à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qu'échoit la mission de suivi de la population de loups. Deux fois par an en général, les agents de l’ONCFS procèdent à de minutieux relevés pour estimer sa population.
Aussi imprévisible qu’insaisissable, le loup est, en effet, une espèce difficile à étudier. Et à recenser. On parle aujourd’hui d’environ un demi-millier de loups présents en France. Sachant qu’une grande majorité est concentrée en région Paca (les Alpes-Maritimes en tête, devant les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes et le Var). 500 loups, c’est le seuil fixé par le gouvernement pour assurer la "viabilisation" de l’espèce, qui est protégée au niveau européen par la Convention de Berne.
Le 14 février dernier, un loup perdu dans un camping de Bormes a été abattu par les gendarmes.
Un autre a été aperçu la semaine dernière à l'aéroport de La Môle (en bas à droite). DR
- Source : varmatin.com
9 meutes dans le Var, 14 dans les Alpes-Maritimes
Neuf meutes de loups sont à ce jour connues dans le Var. On en compte 4 à Canjuers, 1 dans l’ouest-Var (au sud de Cadarache), 1 autre sur le territoire de la Provence Verte, et 3 "à cheval" sur le département : une vers la Sainte-Victoire (13), une autre à Audibergue (06) puis une à Montdenier (04).
Au terme de son prochain bilan hivernal, l’ONCFS indiquera si la Sainte-Baume et les Maures, déjà considérés comme "zones de présence stabilisée" (ZPP) abritent aussi une meute (soit plus de 3 animaux). Sont également surveillés de près les secteurs de la Dracénie et du mont Aurélien, avec "une présence de plus en plus marquée et une suspicion d’installation de loups".
Dans le département voisin des Alpes-Maritimes, le dernier bilan estival faisait état de 14 meutes installées : Thiey Caussols, Cheiron, Gourdan, Pré-Alpes Menton, Tournairet, Vésubie Roya, Vésubie Tinée, Moyenne Tinée, Aspres, Haute Tinée. Et les 4 meutes transfrontalières: 1 avec le Var (Audibergue); 3 avec les Alpes-de-Haute-Provence (Teillon Esteron Coulomp Daluis, et Trois Évêchés).
Dans les deux départements, de nouvelles zones sont donc étroitement surveillées par les agents de l’ONCFS. S’agit-il de simples incursions d’individus isolés ou d’une véritable meute bien installée ? C’est toute la question...
Situation au terme de l'été 2018 (données ONCFS).
Le prochain bilan sera communiqué à la fin du printemps. Infographie Rina Uzan
- Source : varmatin.com
Mieux connaître la population
Officiellement, l’augmentation de la population a progressé de 12 % en moyenne ces dernières années, avec un pic à 20 % en 2018. Il est donc probable que l’on dépasse bientôt les 72 meutes recensées avant le bilan hivernal sur le territoire national.
Pour établir ces chiffres et "mieux connaître la population", les agents de l’ONCFS ont recours à une méthode très spécifique. "Contrairement aux cerfs ou aux bouquetins par exemple, on ne peut pas pratiquer le même principe de "capture-marquage-recapture", détaille Eric Hansen, délégué interrégional Paca-Corse de l’ONCFS. Pour le loup, on utilise un système de relevés et d’analyses génétiques, qui permet de remonter au génome de l’individu, de définir son sexe et son espèce…"
C’est là qu’interviennent ensuite les chercheurs du CNRS qui calculent donc leurs estimations à partir des indices relevés et un modèle mathématique pointu.
L'ONCFS s’appuie désormais sur le travail de "Newt", un berger belge malinois spécialement dressé
pour identifier les excréments lupins. Photo Philippe Massit/ONCFS - Source : varmatin.com Pour prélever ces précieux poils, crottes et autres échantillons d’urine, l’ONCFS dispose d’un réseau de 3.000 sentinelles, composé d’éleveurs, chasseurs et autres naturalistes présents sur le terrain. Depuis peu, l’Office s’appuie même sur le travail de "Newt", un berger belge malinois spécialement dressé pour identifier les excréments lupins. Il s’avérerait "bien plus efficace encore que les agents de terrain".
Hurlements provoqués
Enfin, pour identifier les meutes, l’ONCFS procède à des hurlements provoqués. "Quand on repère deux loups de sexe opposé sur un territoire, on simule alors des hurlements, ce qui permet d’identifier la présence de louveteaux et d’en déduire s’il y a eu de la reproduction", explique Nicolas Jean, coordinateur de la brigade Loup à l’ONCFS.
Alors, pour crier au loup, rien de tel qu’un bon vieux cône de chantier en guise de porte-voix. C’est, paraît-il, "ce qui marche le mieux. En plus, ça ne consomme rien."
Guillaume Aubertin
Publié par : varmatin.com