Une chronique que vous adorez, alors, vous aussi, envoyez-nous vos histoires par courriel : lechasseur. francais@reworldmedia. com (Ce mois-ci, c’est Bruno Dupont, de Venansault en Vendée qui est à l’honneur)
- Pour sa première saison de chasse, je fus assez satisfait du comportement de mon jeune griffon Korthals. Au vu de ses ascendants de première et deuxième générations, tous trialers, elle ne pouvait décevoir. Elle n’avait que 7 mois à l’ouverture et – bon sang ne saurait mentir – elle fit honneur à sa lignée auréolée de nombreux prix : TAN, CACIB, CACS, CHIB… Bien sûr, tout n’était pas parfait : sa fougue et sa jeunesse en étaient la cause.
- Ce fut surtout un immense plaisir de la voir battre le terrain méthodiquement et pour la première fois prendre un superbe arrêt sur un faisan. Au cours de la saison, elle me bloqua ainsi nombre de perdrix, lapins et bécasses, car elle possédait entre autres deux qualités essentielles : son nez puissant et son ardeur à trouver le gibier. En revanche, elle dédaignait le gibier abattu, s’en désintéressait et ne prétendait pas rapporter. Aussi, je décidai de pallier cette lacune. J’achetai trois best-sellers en matière d’éducation canine : Le Dressage de Fram du colonel Dommanget, Dressage et utilisation du chien d’arrêt de J. Castaing et Je dresse mon chien d ‘arrêt de l’abbé Godard, trois livres passionnants.
- Après en avoir fait une synthèse, je me mis au travail… Je suivis un plan bien établi, très progressif, avec contraintes, douceurs, récompenses et beaucoup de patience. Après trois mois de séances quotidiennes, Idylle était passée de l’indifférence au plaisir évident de rapporter. Fin août, je la présentai avec succès au TAN et, cerise sur le gâteau, elle obtint son brevet de rapport à l’eau ! Aujourd’hui, c’est l’ouverture de la chasse. Mon ami Bernard m’accompagne. Je lui ai – trop longtemps – relaté ma réussite dans l’apprentissage du rapport, lui qui ne jure que par ses labradors au rapport inné ! Calme, lent, avec une tendance à l’embonpoint, Bernard confirme la similitude qui existe entre le maître et son chien…
- Nous commençons par une éteule. Idylle quête comme une pendule bien réglée, puis nous entrons dans une luzerne assez haute. À peine y sommes-nous que, au retour d’un lacet, c’est l’arrêt ferme. Perdrix ? Faisan ?
- Non ! C’est un lièvre qui se détend comme un ressort et fait le ventre à terre. Il fait un brusque crochet… Pan ! Bravo, Bernard, très beau tir !
- Idylle est rapidement sur le rouquin, le saisit et triomphalement revient vers nous. Mais soudain la chienne ralentit et s’arrête net, lâche le capucin et reste immobile comme tétanisée, le regard fixe. Les « apporte » demeurent sans effet, Idylle ne bouge pas d’un pouce. Je suis déçu et désemparé ! Bernard ne pipe pas mot mais me jette un coup d’œil goguenard qui m’agace !
- Je m’approche alors à grands pas et bute littéralement sur un autre lièvre gîté au nez du chien toujours à l’arrêt ! Pan ! Cul pardessus tête ! Idylle est aussitôt sur lui et me le rapporte fièrement. Quelle surprise ! Je comprends maintenant et je savoure cette séquence courte mais intense en émotion qui n’est pas près de se reproduire. Je regarde mon ami admiratif qui me tire un coup de chapeau ! À présent, deux interrogations me taraudent : comment un chien peut-il prendre une émanation de lièvre alors qu’il en tient un dans la gueule ? Quel dilemme pour le chien : rapporter le gibier ou prendre l’arrêt ? Mais, finalement, il ne se pose pas la question.